Résumé n°CO_07

Une approche de modélisation pour estimer la morbidité et la mortalité hépatiques liées à l’alcool en France

C. Delacôte*, L. Ntandja-Wandji, A. Louvet, P. Bauvin, G. Lassailly, M. Ningarhari, S. Dharancy, A. Bruandet, G. Clément, X. Lenne, P. Mathurin, S. Deuffic-Burban (Lille, Paris)

Introduction : Connaitre précisément l’histoire naturelle de la maladie du foie liée à l’alcool (MFLA) selon les différents profils de consommations permettrait de prédire la morbidité et la mortalité de la MFLA et ainsi mettre en place des politiques de santé destinées aux consommateurs à risque. Notre objectif était d’intégrer les données pertinentes sur l’histoire naturelle de la MFLA dans un modèle mathématique, intégrant nécessairement des estimations de l’incidence de la consommation à risque, qui a récemment été caractérisée, afin de prédire la morbi-mortalité liée à la MFLA en France.

Patients et méthodes / ou matériel et méthodes :  Nous avons développé un modèle de Markov simulant la trajectoire de cohortes d’individus du moment où ils démarrent une consommation à risque (>20 g/j) jusqu’à leur décès. Il intègre les facteurs de risque connus comme associés à une progression de la MFLA (sexe, âge, quantité d’alcool, polymorphisme génétique). Les paramètres inconnus de progression sont rétro-calculés à partir des données de mortalité par cirrhose décompensée et carcinome hépatocellulaire (CHC) liés à l’alcool 2010-2018 fournies par les bases de données PMSI. Puis, la morbidité et la mortalité sont prédites jusqu’en 2026.

Résultats :  Le modèle développé s’ajuste aux données de mortalité : 63 016 décès sont prédits entre 2010 et 2018 pour 62 934 observés dans les bases PMSI (Fig. A). La prédiction des décès correspond à la mortalité observée en fonction de la cause de décès (CHC ou décompensation) et du sexe (Fig. B), ainsi que de l’âge.
Entre 2010 et 2021, le nombre annuel de décès liés à une MFLA a diminué de 6%, passant de 7 100 à 6700. Cependant, alors que les décès par décompensation sont passés de 4 800 à 4 300 (-10%), les décès par CHC ont augmenté de 2 300 à 2 400 (+4%) (Fig. B). La plupart des décès MFLA surviennent chez les hommes : 3 sur 4 pour la décompensation et 9 sur 10 pour le CHC.
En 2021, selon le modèle, 80 000 Français ont une cirrhose liée à l’alcool dont 7 900 nouveaux cas. On compte environ 33 000 cirrhoses décompensées et 6 000 CHC. Les femmes représentent 30% des patients cirrhotiques.
Par ailleurs, le modèle estime que la prévalence de l’hépatite alcoolique serait de 12% chez les consommateurs les plus à risque de MFLA (>50 g/j), et, comme attendu, augmenterait avec la sévérité de la fibrose. Elle varierait de 5% en l’absence de fibrose à 28% en cas de cirrhose compensée (F4).
La diminution de la consommation per capita d’alcool devrait conduire en 2026 à une diminution du nombre de cirrhoses (~70 000) et de décès hépatiques (6 400) par rapport à aujourd’hui (Fig A & B).

Conclusion : Le modèle prédit l’impact futur de la MFLA dans la population générale française, à partir de solides données épidémiologiques. Au-delà de prédire la mortalité hépatique, il prédit également le poids de la cirrhose et de ses complications. Il permettra de proposer de nouvelles politiques de santé ciblant les individus les plus à risque afin d’obtenir une nouvelle réduction du fardeau de la MFLA.

L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflit d’intérêt

Figure 1